Delenda est Carthago

Le plaisir des langues anciennes ressort aussi à travers des petites truculences qui y sont rattachées.
 

Sans son Abrégé de l'Histoire romaine, Florus nous dit (I, XXXI, 4-5) :

Cato inexpiabili odio delendam esse Carthaginem, et cum de alio consuleretur, pronuntiabat.

« Caton, poussé par une haine inexpiable, proclamait que Carthage devait être détruite, même lorsque la délibération portait sur un autre point. »

De même, Nietzsche nous relate dans ses Considérations sur l'Histoire que Caton commençait chacun de ses discours ainsi :

Ceterum censeo Carthaginem esse delendam.

« D'ailleurs, je suis d'avis que Carthage doit être détruite. »

Et en effet, Caton l'Ancien terminait tous ses discours par l'épimone delenda Cartago.
Marcus Porcius Cato naquit à Tusculum en 232 et mourut en 147 avant Jésus-Christ. Le surnom « Cato » signifie à la fois « finaud » et « maussade », ce qui correspond assez bien à ce qu'il fut. Dans son De re rustica, il dévoile de fait sa rapacité et sa dureté, en tant que paysan madré.
Il n'en faut pas moins noter que, à l'âge de dix-sept ans, il combattit dans l'armée romaine contre Hannibal. Par la suite, un sentiment de xénophobie le prit, si bien que, parangon de la rigueur latine, il alla même jusqu'à faire expulser les philosophes grecs dans une perspective de lutte contre l'emprise de l'influence grecque. Cicéron réalisa nonobstant une apologie de Caton dans son traité de philosophie De Senectute.

Caton d'Utique, dont Cato Maior est un bisaïeul, fut aussi loué dans un panégyrique de Cicéron, notamment à travers le stoïcisme dans son De Finibus (III), à la demande de Brutus, neveu de Caton d'Utique qui venait de se suicider. Celui-ci, en bon Romain, s'opposait aux visées despotiques de César, en défendant la république. Nous pouvons penser que ce livre, perdu, consistait en une admiration pour celui qui sut résister au pardon humiliant du tyran en se donnant la mort. Moins qu'un panégyrique, ce fut surtout une critique de César ; c'est pourquoi César répondit par le truchement du dépréciatif Anti-Caton, le premier, malhabile, de Hirtius et le second, de César lui-même.

D'autres phrases sont aussi récurrentes, à l'image d'Astérix et « ils sont fous ces Romains » dont nous avons déjà parlé lors d'une chronique précédente, avec notamment le signe SPQR repris en italien en « Sono Pazzi Questi Romani ».

Voltaire utilisait souvent comme formule terminale de ses lettres l'exhortation « Érasez l'infâme » – « Écrelinf ».
Il y a aussi le célèbre « À demain si vous le voulez bien » de Lucien Jeunesse, remplacé par l'efficace « Je compte sur vous » de Louis Bozon, et l'inénarrable Philippe Meyer qui terminait souvent sa chronique matutinale par « Le futur ne manque pas d'avenir ».

Pour l'anecdote, les Romains soulaient conclure leurs discours fumeux par la commoration ergo glutino capiuntur aues : « c'est pourquoi les oiseaux se prennent à la glu ».

Par ailleurs, Alexandre Vialatte avait accoutumé de placer à la fin de toutes ses chroniques pour La Montagne, quoiqu'il n'existât aucun lien, l'obsécration « et c'est ainsi qu'Allah est grand ».

Guillaume Flamerie, Iulius et Rolf Kleinknecht.

 

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