Synthèse sur les quatre résultats obtenus

Ce problème, qui s'inscrit dans le cadre des calculs de probabilités géométriques, fut exhibé par le mathématicien français Joseph Bertrand en 1899. Il peut comporter quatre réponses justes selon la compréhension des mots « hasard » et « choix ».
 

La théorie des probabilités géométriques est riche en paradoxes singulièrement troublants...

Rappel des faits

À partir de quatre raisonnements, confortés par quatre expériences par ordinateur, nous avons démontré que la probabilité cherchée vaut 1/2 dans le premier cas, 1/3 dans le deuxième, 1/4 dans le troisième et 0.134 dans le quatrième – et dernier ? – cas.

Pourtant, les quatre approches différentes paraissent individuellement inattaquables quoiqu'elles aboutissent sur quatre réponses différentes.

Ce résultat nous permet cependant d'aboutir sur plusieurs conclusions : dans un première temps, il semble clair que les quatre hypothèses de répartition sont également réalisables. Il n'y a cependant pas de réel paradoxe, en ce sens qu'il s'agit simplement d'un choix de conditions expérimentales de tirage des cordes qui conduisent à des événements différents.

Ce paradoxe est donc un exemple classique permettant de mesurer la limite des définitions des probabilités.
Il montre que l'on peut manipuler sans s'en apercevoir plusieurs espaces probabilisables à la suite d'un énoncé trop vague.

Interprétation des réponses

Il appert en fait que le problème « Traçons une corde au hasard » est mal posé et porte à confusion. L'expression au hasard devrait signifier que toutes les cordes sont équiprobables, mais nous ne disposons d'aucune mesure sur l'ensemble continu de toutes les cordes qui puisse nous permettre de connaître le poids de chacune. Pour que cette expression prenne un sens, il faut se ramener à des ensembles numériques, comme les domaines du plan.

L'expression au hasard n'a pas un sens intrinsèque, c'est-à-dire qui lui est propre.

Le sens des mots

En effet, l'infini n'est pas un nombre. Par conséquent, nous ne devons pas l'introduire sans explication dans les raisonnements. La précision illusoire des mots pourrait faire naître des contradictions. Choisir au hasard entre un nombre infini de cas possibles n'est pas une indication suffisante.

Ainsi, il n'est pas équivalent de choisir au hasard la direction et la distance au centre d'une corde – première approche –, ou de choisir au hasard ses extrémités – deuxième approche –, ou encore de choisir au hasard son milieu – troisième approche – ou sa longueur – quatrième approche.

Entre ces quatre réponses, quelle est la véritable ? Aucune des quatre n'est fausse, aucune n'est exacte ; la question est tout simplement mal posée !

Un problème insoluble ?

Mais alors, ne serait-il pas imaginable de trouver un compromis entre les quatre valeurs obtenues ?

Ce nouveau problème débouche alors sur une nouvelle problématique.

Comment se distribuent statistiquement ces cordes ?

Un avantage au premier modèle ?

Nous avons en réalité affaire à une situation pratique : nous ne décidons plus la manière de choisir les cordes ; ce sont les cordes qui se distribuent toutes seules. L'étude des quatre cas a montré qu'il existe différentes distributions possibles pour les cordes mais qu'il y aura forcément dans une expérience réelle une certaine distribution qui sera privilégiée sur les autres.

Dans cette expérience, c'est le premier modèle qui semble a priori être le bon. Nous pouvons nous en convaincre sans faire l'expérience, et sans calculer le mouvement des droites qui sont le support des cordes !

Pour cela, il suffit de remarquer que la distribution des droites dans le plan ne peut en aucune façon dépendre de la présence d'un cercle : il serait purement illusoire d'imaginer que les droites se distribuent différemment selon que nous ayons tracé un cercle ou que nous n'en ayons pas tracé !

Les droites seront donc distribuées à peu près de la même façon dans toutes les régions du plancher. Par conséquent, la distribution des cordes sur un cercle sera la même quelle que soit la région où l'on trace le cercle.

Il est donc clairement impossible que se produisent le second ou le troisième cas dans lesquels les cordes sont plus denses près du bord du cercle ; quant au quatrième cas, il demande la connaissance préalable d'une longueur.

Nonobstant, si tel était le cas pour un cercle particulier, cela ne pourrait plus l'être pour un autre cercle tracé à un autre endroit. C'est donc que seuls les modèles 1 et 4 correspondent à une distribution des droites qui soit indépendante de l'existence du cercle.

C'est Henri Poincaré qui formalisera le paradoxe de Bertrand au moyen d'intégrales. Quant à Émile Borel, qui introduisit la notion d'ensemble « borélien » infini de mesure nulle, il reprend un autre exemple de Bertrand, en ces termes :

Deux points M et N sont pris au hasard sur une sphère.
Quelle est la probabilité que le plus petit arc de grand cercle reliant ces deux points soit inférieur à un réel donné ?

Une petite ouverture concernant ce type de problèmes de probabilités porte sur l'étude de la trisection d'un segment :

Quelle est la probabilité de pouvoir construire un triangle avec un segment préalablement partagé au hasard en trois morceaux ?

Le problème sera, encore une fois, de préciser ce que nous entendons par l'expression « au hasard »...

Et comme le disait si bien Henri Lebesgue, lorsque nous faisons intervenir l'infini, suivant la méthode employée, nous n'obtenons pas les mêmes théorèmes.

 

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