Bucolicon XI ♥♥

Ces magnifiques inventions de Caligula portent la poésie au pinacle.
 
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Un chef-d'œuvre par excellence, un délice tant pour l'oreille que pour l'œil, un véritable art dans la versification en hexamètres dactyliques : Caligula nous comble de félicité en nous proposant une – que dis-je ? – la onzième Bucolique. Mettant en scène les affectueux personnages des Calepins de Cucullus, à nos yeux épris d'admiration, elle nous est offerte avec sa traduction en alexandrins rimés et alternés. Qu'eussions-nous pu souhaiter de plus beau ?

Bucolicon XI

Bucolicon XI

Cucullus

Ah ! Roma redeo referens ego munus Alexi
Donaque, dum his aberam, distentis lacte capellis,
Huic sociam Phoebo laurum, illis carne farinas.
 
 

Barbulus

 
Roma ! Perenne decus virtutum ! O munera divum !
Vatum uberrima, qui cecinerunt arma Quiritum,
Et pecudes pastorum atque arva et Alexis amores !
Alma parens ! O Roma aeterna et gloria nostra !
Is puer, ut solitus, sole ustis lentus in arvis,
Et cui sunt semper distentae lacte capellae,
Atque pigerrimus est nostrum : mera funera ruris,
Qui semper patulae recubans sub tegmine fagi
Atque Polymnestae risus quaerens, sibi versus
Ludere quos vellet tenui permisit avena.
 
Cum tuguri Boreas niveus modo culmina flixit
Et pecudes rapuit sterilis cum semine terrae,
Quid tu, rustice, gratae hausisti ex ubere Romae ?

Polymnesta

Quam bene dixisti ! Puer est tam rusticus ille
Ut referat mihi nulla ex vico munera magno !

Cucullus

Quam male dixisti, maeroris imagine captus,
Parcius injusta in me declamanda memento !
Si patriam laetos pecudum collesque reliqui,
Si curvas falces, si ductos vomere sulcos,
An temere, ut culpas, agnosque agnasque reviso
Roma nunc rediens invita et sedulus ipsi ?
 
Numinis imperio paret qui devia sumit !
Omen mirandum, nec Tartareas ego traxi
Umbras, accepi tenera recubans in ovili.

Detulit ille deus nomen ; fuit omen Apollo.
Numen Deliacum, quod noram : « Surge, Cuculle,
Splendida felicis legito, inquit, lumina Romae ! »
 

Polymnesta

Ecce gregis custos herbas vult linquere pingues !
Quo Joculus pecudes cogit ? Via ducit in urbem.
 
 

Barbulus

Siste puer ! Rediit modo noster ab Urbe Cucullus
Sed sua caela ferens etiamnum est omnibus idem !
 

Joculus

At tamen Urbem qui libat numquam manet idem.
Tantum animi causa voluisset praemia Romae ?
 

Barbulus

Lumina quae stulto potuit dare Roma Cucullo ?
Urbs antiqua potens Mavorte atque ubere legum
Atque viris florens, juvenumque et more senumque
Firma manet, ventorum ut perstitit aesculus aestu.
 
Tu, quamvis esses fretus divum ore, Cuculle,
Non magis et sapiens rediisti ; semper es idem.
 

Polymnesta

Lumina quae stulto potuit dare Roma Cucullo ?
Urbs fetae Venere praecepit pignora pacis.
Si Trojani, si Danai essent talibus usi
Non Helene Paridi nec Atridae dira fuisset ;
 
Ambo felices Veneris, dociles Helenae ambo !
Non minus atque rudis rediisti ; semper es idem.
 

Joculus

Lumina quae stulto potuit dare Roma Cucullo ?
Cannae ! Cannensis clades ! Heu ! funera Romae.
Viribus aequis pugna incepta, diu fuit anceps.
 
Uno si Tyrius pressit certamine Troes,
Victa Urbs victori potuit superesse superbo.
Non magis et miles rediisti ; semper es idem.
 

Cucullus

Nobis triste Polymnestae risus, Joculi irae,
Barbulus acerque. At Romam nos duxit Apollo !
 
Non erat illa Minervae nec Veneris neque Martis
Ast haec carminibus quam laetis Delius implet.
Surgenti digito monstravit iter mihi numen ;
Flaminios rapui lapides quis itur in urbem,
Clivumque ascendebam ego qui tum plurimus arci
Conducit. Turres video, jam moenia surgunt,
 
At poma extemplo, dum miror, florea sensi
Tum laevo verti, unde odor est expansus in auras,
 
Summis deque jugis nemora ample frondea vidi.
Quid ? Virides Romae quercus... Mirabile dictu !
Luculli, ut sapii, sunt, nati collibus, Horti.
 
Insula, quae Faunum sola retinebat in aede,
Gaudet in Hortis et nova laeti gaudia Fauni
 
Cui gratis licuit cum Nymphis ludere noctu.
 
Frondes, dum lucet, sapientum tempora cingunt
Et capita intersunt quae lauro digna videntur :
 
Belgica praecipue resonat Dionysius ora
Qui gravis interpres cernit de pondere vocum,
Agricola atque nepos Musarum, doctus Aquensis,
Post sulcis mavult versus quam est lapsus aratro,
Sollersque Atlas quem ex Acheronte Propertius inflat,
Julius hic juvenis reperitur, legibus audax,
Et gratus Zephyrus neque abest Cassandra poetris,
Denique Anaxagoras, quasi Maecenatis alumnus,
Ferrea melle Camenarum qui saecula mollit.
 
Hanc nobis dedit et laurum ! Sum dignus Alexi !
Tityrus et Corydon victi sunt atque Menalcas.
 

Caligula

Onzième Bucolique

Cucullus

Je m'en reviens de Rome avec pour Alexis
Un cadeau, mais aussi pour mes chèvres, aux pis
Chargés de lait, durant l'absence. Un laurier-rose
Cher à Phébus pour lui, pour elles une dose
De farine animale.

Barbulus

Honneur des bonnes mœurs !
Ville encor jeune ! Rome ! Ô divines faveurs !
Lait des chantres divins qui chantèrent les armes
Des tiens et les bergers, les labours et les charmes
D'Alexis. Douce mère ! Ô Rome, éternels feux !
Aux labours desséchés ce gars est paresseux,
Ses chèvres sont toujours lourdes de la mamelle,
Ce roi des fainéants, « Mort-des-Prés » je l'appelle,
Toujours à se coucher à l'ombre d'un fayard !
De Polymneste il cherche un sourire au regard,
S'autorise à jouer sur sa petite flûte
Les airs qu'elle préfère. Alors que de ma hutte
Un hivernal Borée éparpilla l'auvent,
Emporta mes brebis, mes semis tout autant,
Toi, plouc, qu'as-tu puisé du charmant sein de Rome ?

Polymnesta

Tu as raison ! Bien dit ! Un vrai plouc, ce jeune homme.
Il ne m'a rien porté s'en revenant du bourg !

Cucullus

Tu dis du mal, captif d'un ressentiment lourd,
Souviens-toi de parler contre moi sans outrages !
Si j'ai quitté les monts égayés d'élevages,
Mon pays, ma faucille et le sillon blessé
Par le soc de charrue, ai-je agi sans penser
Quand je viens pour revoir et l'agneau et l'agnelle
Laissant contre son gré Rome, objet de mon zèle ?
Sous l'empire d'un dieu l'on semble s'égarer !
Un signe merveilleux – je n'ai pas invoqué
Les ombres de l'Enfer – troubla ma songerie
Quand j'étais allongé dedans ma bergerie.
Le dieu me dit son nom et c'était Apollon.
Puis l'esprit de Délos, certaine vision,
Dit : « Debout Cucullus ! Va cueillir la lumière
De Rome bienfaisante ! »

Polymnesta

Et voilà qu'un cerbère
De troupeaux veut quitter les pacages herbeux !
Mais pour où Joculus rassemble-t-il ses bœufs ?
Ce chemin mène en ville.

Barbulus

Arrête-toi, jeune homme !
Notre ami Cucullus vient de rentrer de Rome
Or transportant ses cieux, il est le même en tout.

Joculus

Mais il change à jamais celui qui a pris goût
À la ville. Aurait-il désiré l'audience
De Rome uniquement pour y faire bombance ?

Barbulus

Quel éclat put donner Rome à cet idiot ?
Cette antique cité, du Code le berceau,
Des armes le fourreau, de héros florissante,
Grâce aux mœurs des enfants et des vieux est constante
Comme le chêne grand qui a pu défier
Le tourbillon des vents. Cucullus, tout comblé
De l'oracle des dieux ! Ton retour ne parsème
Rien de plus en sagesse, et tu restes le même.

Polymnesta

Quel éclat put donner Rome à cet idiot ?
La ville s'assigna la paix comme dépôt
De l'amour. Troyens, Grecs, s'ils eussent eu tel gage,
Hélène n'eût causé de funeste dommage
À Pâris, à l'Atride et tous deux engagés,
Tous deux auraient d'Hélène admis les volontés.
Toujours mal dégrossi, ton retour ne parsème
Rien de plus en amour, et tu restes le même.

Joculus

Quel éclat put donner Rome à cet idiot ?
Cannes ! Cannes ! Défaite, échec, revers, fléau !
Avec des régiments d'égal cœur entreprise
La bataille resta longuement indécise.
Si le Tyrien put terrasser le Troyen
Pendant ce seul combat, Rome a eu le destin
De vaincre son vainqueur. Ton retour ne parsème
Rien de plus martial et tu restes le même.

Cucullus

Rieuse Polymneste et Joculus bougon
Et l'aigre Barbulus m'attristent. Apollon
Et moi jusques à Rome allâmes de conserve
Non vers celle de Mars, de Vénus, de Minerve
Mais celle que d'airs gais remplit le Délien.
J'étais debout. Du doigt il montra le chemin.
Je pris donc les pavés de la Flaminienne
Par où l'on rentre en ville et la pente qui mène
Jusqu'à la citadelle et là je vois les tours,
Là surgit le rempart ; mirant les alentours
Je sentis tout à coup des arbres fructifères
La floraison. Tournant à gauche mes lumières,
D'où le parfum flottait sous les ailes du vent,
Sur les sommets je vis les bosquets étalant
Leur frondaison. Comment ? À Rome des yeuses ?
Incroyable ! Engendrés des hauteurs généreuses,
Comme je le compris, voici de Lucullus
Les Jardins. Et, cette île où se tenait Faunus
En son temple esseulé, elle montre sa joie
À l'égard des Jardins et pour Faunus en proie
À ses nouveaux plaisirs puisqu'il lui est permis
De taquiner la Nymphe, et ce, toutes les nuits.
Mais quand brille le jour, les rameaux en couronnes
Viennent ceindre le front de savantes personnes.
Il y a là des chefs bien dignes du laurier :
Denys d'abord, l'accent belge il fait résonner,
Sérieux interprète apte à juger le verbe ;
Le poète fermier, d'Aix un autre Malherbe,
Étant tombé, préfère à ses sillons les vers,
Atlas est inspiré par Properce aux Enfers,
Julius, lui, est vu la grammaire défendre,
On croise Zéphyrus sans oublier Cassandre,
Enfin Anaxagore, un Mécène nouveau,
Qui radoucit ce siècle endurci au marteau
Avec le miel doré des vers et de la prose.
C'est lui qui m'a donné ce noble laurier-rose !
J'ai le cœur d'Alexis ! Tityre, Corydon,
Et même Ménalcas je vous bats par ce don.

Traduction de Caligula

 

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