Chrie de Diogène

Anaxagore, Notus et Oncle Fétide, participants actifs aux forums de langues anciennes, sont les auteurs de la traduction de la Chrie d'Alexandre le Grand qui t'est présentée sur cette page. C'est la première fois que ce texte extrait des Progymnasmata (exercices préparatoires) de Libanios est traduit.

Une chrie, du grec « sentence », est une sorte d'exercice que faisaient faire les rhéteurs anciens et qui a été longtemps en usage dans les classes de rhétorique des collèges : il s'agissait de développer une pensée selon un plan bien établi et précis, en sept ou huit points, par une petite mise en scène avec des personnages.

 
[3.2.1] Διογένης μειράκιον ἰδὼν ἀτακτοῦν τὸν παιδα γωγὸν ἔπαισεν ἐπειπών· τί γὰρ τοιαῦτα παι δεύεισ; Ἅπασα μέν μοι φιλοσοφία τίμιον καὶ δαι μόνιον καί μοι δοκοῦσιν οἱ τοὺς ἐν αὐτῇ ζῶντας μὴ θαυ μάζοντες ἴσως ἂν πάντων τῶν θεῶν ὀλιγωρῆσαι, χρὴ δὲ τοσοῦτον αὐτοὺς ὑπολαμβάνειν τῶν λοιπῶν διαφέρειν ὅσονπερ ἐκείνους τῶν θηρίων· τῶν δ᾿ αὖ τοῦτον ᾑρημένων τὸν βίον εἰκότως ἄν μοι δοκῶ Διογένη τε διαφερόντως ἀγασθῆναι καὶ τὴν ὁδὸν ἣν οὗτος ἦλθε.
Diogène, en apercevant un gamin indiscipliné frappa son pédagogue en lui disant : c'est donc ça que tu lui enseignes ? Tout d'abord, pour moi, la philosophie dans son ensemble est une chose respectable et divine et, à mes yeux, ceux qui n'ont pas d'admiration pour les philosophes pourraient bien être gens à mépriser tous les dieux ; ensuite, il faut bien comprendre qu'ils sont aussi différents du reste de l'humanité qu'elle l'est des animaux. En revanche, j'ai bien l'impression que l'admiration que l'on porte à Diogène et à la voie qu'il a adoptée est à juste titre bien différente de celle que l'on porte à ceux qui ont choisit ce genre de vie.
[3.2.2] τὸ μὲν γὰρ οὐρανοῦ τε καὶ γῆς μέτρα ἡλίου τε καὶ σελήνης διερευνήσασθαι δρόμους ἄλλοις ἀφῆκεν, αὐτὸς δὲ μετῆλθεν ἀρετὴν ἣ μάλιστα τοὺς ζῶντας ὀνή σειν ἔμελλε. πλούτου κατεφρόνει, τῶν ἡδονῶν ἐκράτει, τὸ σῶμα παρεῖχε τοῖς πόνοις, τὴν τῶν δυνατῶν εὐδαι μονίαν δυστυχίαν ἐνόμιζε. πάντας δὲ ἀνθρώπους οἰ κείους ἡγούμενος ἐπεμελεῖτο πάντων καὶ συλλήβδην εἰπεῖν Ἡρακλέους ἑαυτὸν ζηλωτὴν κατέστησεν αὐτῇ βακτηρίᾳ περιιὼν ἐπὶ τῷ βελτίους ποιεῖν οἷς ἐντυγχοι.
Il laissa en effet aux autres le soin de chercher les dimensions du ciel et de la terre, la trajectoire du soleil et de la lune, et ne s'intéressa pour sa part qu'à la vertu, chose plus qu'essentielle pour les êtres humains. Il méprisait la richesse, ne cédait pas aux plaisirs, soumettait son corps à de rudes épreuves et considérait le bonheur des puissants comme de la malchance. Ayant la conviction que tous les hommes sont frères, il ne négligeait personne ; à parler en rassemblant, il s'établit disciple d'Héraklès, et mieux que personne, il rendit meilleurs tous les gens qu'il rencontrait.
[3.2.3] οἷον δ᾿ αὖ κἀκεῖνο διεπράξατο. παιδὶ μὲν γὰρ ὁ παιδαγωγὸς παρῆν, τὸν δὲ προσήκοντα κόσμον ὁ παῖς οὐκ ἐφύλαττε, Διογένει δὲ τὸ πραττόμενον ἐπαν ορθώματος ἐδόκει δεῖσθαι. τί οὖν ποιεῖ; τὸν νέον ὑπερβὰς ἐπὶ τὸν ἐφεστηκότα φέρεται καὶ παίει κατὰ τοῦ νώτου πολλὰς καὶ προστίθησι ταῖς πληγαῖς τὸν λόγον, ὡς οὐκ ἄρα χρὴ τοιοῦτον εἶναι παιδευτήν.
Voici en l'occurence ce que fut son attitude : le pédagogue se tenait à côté de l'enfant ; l'enfant ne gardait pas une tenue convenable et Diogène pensait que la situation méritait une correction. Que fait-il donc ? Sans s'occuper du jeune garçon, il se tourne vers celui qui en a la responsabilité, fait tomber sur son dos une pluie de coups et les justifie en disant qu'il ne faut pas être un éducateur de cet acabit.
[3.2.4] Πρῶτον μὲν οὖν ἀμφοτέρων εἵνεκα τὸν ἄνδρα ἐπαινῶ, τοῦ τε μὴ κατοκνῆσαι ταῖς χερσὶ χρήσασθαι πρὸς τὸ σωφρονίσαι καὶ τοῦ τὴν αἰτίαν εἰπεῖν δι᾿ ἣν τοῦτο ἐποίησε. τούς τε γὰρ σφόδρα ἀδικοῦντας ἔργῳ παιδεύειν ἠξίου τό τε μὴ σιωπῆσαι καὶ τὸ πόθεν ἐπὶ τὰς πληγὰς παρωρμήθη δηλοῦντος ἦν τῷ πεπονθό τι τοῦ χάριν ταῦτ᾿ ἐπεπόνθει. εἰ γὰρ πλήξας ἀπιὼν ὤͺχετο σιωπῇ, οὐδὲν ἂν ἐκώλυσε τὸν μὲν παιδαγωγὸν ἀγνοῆσαι πλημμελήσαντα, τῇ δὲ ἀγνοίᾳ μηδὲν βελτίω γενέσθαι.
Tout d'abord, j'approuve notre homme pour deux raisons : la première, c'est qu'il n'a pas hésité à le corriger de ses propres mains ; la seconde, c'est qu'il lui a expliqué pourquoi il l'avait fait. En effet, Diogène pensait qu'il fallait amender par des actes concrets ceux dont les manquements étaient particulièrement graves et le fait qu'il ait montré qu'il ne gardait pas le silence mais qu'au contraire il disait pourquoi il s'était laissé aller à le frapper, eh bien cela fut pour celui à qui c'était arrivé l'explication de ce qui lui était arrivé. En effet, si après l'avoir frappé, il l'avait quitté sans un mot, il aurait empêché le pédagoque de se rendre compte qu'il était dans son tort et donc de s'améliorer du fait de cette ignorance.
[3.2.5] καὶ μὴν τὸ τῶν ἁμαρτημάτων τοῦ νέου παρὰ τοῦ παιδαγωγοῦ τὴν τιμωρίαν λαβεῖν νοῦν ἐχόν των εὑρήσομεν. ἐνθυμηθῶμεν γὰρ ὅτου χάριν οἱ γο νεῖς μισθοῦνται τοὺς ἐπιστησομένους τοῖς υἱέσιν. ἆρά γε μάτην ἐπιθυμοῦντες δαπανᾶσθαι χρήματα, ἀναλί σκειν πλοῦτον; πόθεν; οὐδεὶς οὕτως ἀπόπληκτος.
En réfléchissant un peu, nous allons comprendre pourquoi Diogène a fait payer au pédagogue la bêtise du jeune garçon. Réfléchissons à la raison pour laquelle des parents font appel aux services de ceux auxquels ils confient la responsabilité de leurs enfants. C'est pour le plaisir de dépenser leur argent pour rien, de se ruiner ? Pourquoi ? Personne n'est aussi stupide.
[3.2.6] ἀλλὰ πρὸς τί δὴ βλέπουσιν; ἴσασιν ἐκεῖνοι τὴν νεότητα ἐπιρρεπῆ φύσει πρὸς τὰ ἁμαρτήματα, κατὰ δὲ τῶν χρηστῶν ἀεὶ τὴν ἐναντίαν δόξαν ἔχουσαν καὶ φεύγου σαν μὲν ἀφ᾿ ὧν ἔστιν εὐδαιμονίαν λαβεῖν, διώκουσαν δὲ δι᾿ ὧν ἔστιν ἀθλιωτάτους γενέσθαι.
Mais à quoi songent-ils donc ? Ils savent que les jeunes ont une propension naturelle à faire des bêtises, qu'ils adoptent systématiquement des positions contraires à leurs intérêts, qu'ils fuient ce qui pourrait faire leur bonheur, qu'ils sont attirés par ce qui ne peut que faire d'eux des misérables.
[3.2.7] ἵν᾿ οὖν τῷ νέῳ παρὰ τῶν πρεσβυτέρων μανθάνειν εἴη, τίσι μὲν προσεκτέον, τίνων δ᾿ ἀφεκτέον, τούτου χάριν τὴν πλείστην πρόνοιαν ἐνταῦθα εἰσφέρονται παιδαγωγοὺς ὡς μάλιστα βελτίστους ἀνερευνᾶν κανόνα τῶν τοῦ παι δὸς πραγμάτων ποιούμενοι τὴν ἐκείνου γνώμην.
Pour que les jeunes puissent donc appprendre de leurs aînés de quoi il faut se rapprocher et de quoi il faut se détourner, pour cette raison précise, les parents mettent alors le plus grand soin au choix des meilleurs pédagogues possibles, car ils veulent que leur savoir serve de modèle au comportement de l'enfant.
[3.2.8] τεκμήριον δέ, τῶν γὰρ ἀνθρώπων ἕκαστος τῷ τοῦ παιδα γωγοῦ τρόπῳ τεκμαίρεται τὸν τοῦ νέου. κἂν μὲν ἦͺ χρηστὸς ἐκεῖνος, καὶ περὶ τούτου προσδοκᾷ τὰ βελτίω, μὴ τοιούτου δὲ ὄντος χείρους ἐλπίδας καὶ περὶ τοῦ νέου λαμβάνει.
En voici la preuve : tout le monde peut prévoir ce que sera l'enfant d'après ce qu'est son pédagogue. S'il est compétent, cela promet un très bel avenir à l'enfant et si ce n'est pas le cas, on en tirera pour lui de mauvais pronostics.
[3.2.9] οὐκοῦν τοῦ μὲν πατρὸς ἀργύριον δοῦναι, τοῦ δὲ παιδαγωγοῦ τῶν λοιπῶν φροντίσαι μη δὲν ὑποστελλόμενον. διὰ τοῦτο γὰρ καὶ παίειν καὶ ἄγχειν καὶ στρεβλοῦν καὶ ἃ τῶν δεσποτῶν πρὸς τοὺς οἰκέτας, ταῦτα καὶ τῶν υἱέων τοῖς ἐφεστῶσιν ἀξιοῦσιν ὑπάρχειν, ὡς μηδεὶς ἀπόλογος ἐσύστερον ᾖ.
En effet, les pères pensent que c'est le rôle du père de payer, celui du pédagogue de veiller à l'ensemble de l'éducation sans rien excepter, et, qu'à cause de cela en effet, les punir, les secouer, les torturer, leur faire tout ce que font les maîtres aux esclaves, toutes ces choses, il appartient à ceux à qui ils ont confié leurs fils de le leur faire, car ils pensent qu'aucun sermon ne pourrait être une chose plus efficace.
[3.2.10] Τί οὖν φημι; μᾶλλον δέ, τί Διογένης φησίν; ἂν πίνειν πέρα τοῦ μετρίου βούληται, μηδα μῶς, ὦ τάν, ἐπίτρεπε. καὶ τὸν ὕπνον δὲ τὸν ἔξω τοῦ προσήκοντος διάκοπτε. καὶ πρὸς ἀργίαν ἐκφερόμενον ἀνέγειρε καὶ παρατήρει βλέμμα καὶ σχῆμα καὶ φωνὴν μὴ παρὰ μέλος συμβῇ. καὶ τὰ μὲν πρῶτα πειρῶ νουθετεῖν, εἰ δ᾿ ἀντιτείνει, κόλαζε καὶ πικρὸς ὑπὲρ σωφρο σύνης φαίνου μᾶλλον ἢ τῇ φιλανθρωπίᾳ ζη μίου. πάρεστιν ἱμάς. ξαῖνε κατὰ τοῦ νώτου πολλάς. φοβείσθω τὴν σὴν βακτηρίαν. εἰ δὲ οὐκ ἐκεῖνος τὴν σήν, σὺ τὴν ἐμήν. τούτους ἡγεῖσθαι χρὴ Διογένους τοὺς λόγους. ἐν γὰρ τῷ τί γὰρ τοι αῦτα παιδεύεισ; εἰπεῖν ταῦτα πάντα περιείληφεν.
Que veux-je dire, ou plutôt que veut dire Diogène ? Si l'enfant veut boire plus que de raison, malheureux, ne l'y encourage surtout pas. Ne le laisse pas dormir plus qu'il ne faut. Éveille ce garçon qui se laisse aller à la paresse et fais bien attention à ce que ses mimiques, ses postures et la façon dont il chante ne détonnent pas par rapport à la partition. Commence par essayer de le raisonner, mais s'il n'optempère pas, punis-le et préfère te montrer intraitable en matière d'éducation à le perdre par trop d'indulgence. Tu as une ceinure pour ça. Roue-lui le dos de coup et qu'il craigne ton bâton, et s'il ne le craint pas, toi tu craindras le mien. Ce n'est que cela que Diogène a voulu expliquer. En effet, en disant « c'est ça que tu lui apprends ? », c'est tout cela qu'il résumait.
[3.2.11] Ἔτι τοίνυν ὡδὶ σκεψώμεθα. πότερον οὖν παρῆν τῷ παιδὶ διαπαντὸς ἢ οὔ; εἰ μὲν γὰρ ἀπεστάτει, προ δότης ἦν τοῦ νέου σαφής· εἰ δὲ συνέζευκτο, πότερον ἠρέσκετο τοῖς πλημμελήμασιν ἢ οὔ; εἰ μὲν γὰρ βουλο μένου ταῦτα ἦν ἁμαρτάνεσθαι, τίς τοῦ τοιούτου πονη ρότερος; εἰ δὲ οὐ βουλομένου, τί παθὼν οὐκ ἐκώλυεν; οὐ γὰρ δὴ χεῖρας ἔμελλεν ὁ νέος ἀνταίρειν. τὸ γὰρ πείθεσθαι καὶ μὴ ἀντιβλέπειν ἀναγκαῖον ὂν ἠπίστατο.
Examinons maintenant encore ce point précis. Se tenait-il en permanence aux côtés de l'enfant ou non ? S'il était absent, c'était se comporter manifestement en lâcheur vis-à-vis de l'enfant ; s'il était collé à lui, acceptait-il ses négligences ou non ? Si c'est avec son accord que l'enfant avait pu commettre ces fautes, qui serait pire qu'un tel individu ? Mais si c'était sans son consentement, que lui passait-il par la tête pour ne pas l'en empêcher ? L'enfant n'allait tout de même pas lever la main sur lui, puisque l'on est bien obligé d'obéir et de ne pas résister à celui qui sait.
[3.2.12] εἰ δὲ ἃ τὸν παιδαγωγὸν ὁ Διογένης, ταῦτα τὸν νέον ἐτύγχανε δράσας, οὐκ ἂν ἐκεῖνον εἰπεῖν νομίζομεν; ὦ σοφώτατε Διόγενες, ἐμοὶ γὰρ ὑπείληπται κα λὸν ὃ δίδωσι πράττειν ὁ κύριος. καὶ νῦν σὺ μὲν ταύτην ἀταξίαν, ἐγὼ δὲ παιδείαν ἡγοῦμαι. ση μεῖον δὲ τὸ μηδὲ τὸν παιδαγωγὸν ἀποτρέπειν ποιοῦμαι. εἰ ταῦτα ἤκουσεν, ἆρ᾿ οὐχ ὡμολόγησεν ἂν ἀκρισίᾳ περὶ τὰς πληγὰς κεχρῆσθαι; πάνυ γε. διόπερ οὐδὲν τοιοῦτον οὔτε ἔπραξεν οὔτε ἤκουσεν.
Mais si ce qu'il a fait au pédagogue, Diogène s'était trouvé le faire à l'enfant, ne croirions-nous pas entendre celui-là lui dire : « Ah ! quel beau sage tu fais là, Diogène ! Je sais parfaitement bien ce que mon patron me donne à faire. En réalité, ce que toi tu prends pour une démission de ma part, pour moi c'est de la pédagogie. » Que le pédagogue ne l'ait pas arrêté constitue pour moi un indice. Si Diogène s'était entendu dire cela, n'aurait-il pas reconnu qu'il avait manqué de dicernement en administrant cette correction ? C'est plus que probable. C'est pourquoi il ne l'a pas fait et ne s'est pas attiré cette remarque.
[3.2.13] ἐπεὶ δὲ καὶ πανταχοῦ τὰς ἀρχὰς καὶ τὰς ὑποθέσεις προσή κει τῶν πραγμάτων σκοπεῖν καὶ πρὸς ἐκείνας πάντα ἀναφέρειν τὰ δεύτερα, τὸ γὰρ παρέχον τὴν ἀφορμὴν καὶ τῶν ἀκολουθούντων κομίζεται τὸν λόγον, καὶ τὸ τῆς ἀταξίας ὑπὸ μὲν τοῦ παιδὸς ἐγίγνετο, κατεσκεύαστο δὲ τῇ τοῦ παιδαγωγοῦ ῥᾳθυμίᾳ, οὐ δὴ ψιλὸν ἐξήτασε τοὖργον, ἀλλὰ καὶ τὸν δόντα τῷ πράγματι τὴν καταβολὴν καὶ τῷ μὲν πράττοντι συνέγνω, τὸν δὲ δόντα τὴν ἄδειαν ἐμίσησεν.
Comme en toute chose il faut considérer les prémices et les données d'un problème, qu'ensuite il faut y reporter tout ce qui en découle – en effet ce qui est à l'origine d'un sujet de réflexion mais aussi de tout ce qui l'accompagne sert à structurer la pensée – et comme la cause du désordre était le fait du garçon mais qu'elle avait été suscitée par l'incurie du pédagogue, Diogène ne s'est pas contenté de s'arrêter aux simples faits bruts mais a aussi analysé l'attitude de celui qui avait permis qu'une telle chose se passât et a d'un côté pardonné celui qui avait agit ainsi, mais de l'autre a désapprouvé celui qui lui en avait donné l'occasion.
[3.2.14] οὗ γὰρ μὴ συγχωρήσαντος οὐκ ἄν ποτ᾿ ἐπέπρακτο, τοῦτον ἡγεῖτο δίκην τῶν πρα χθέντων ὀφείλειν. καὶ γὰρ ὡς ἀληθῶς τῶν ἀτοπωτάτων, εἰ μέν τι τῶν ἀμεινόνων ὑπὸ τῶν νέων γένοιτο, τὸν ἐφεστηκότα τὴν δόξαν καρποῦσθαι, τῶν δὲ ὡς ἑτέρως ἐχόντων μὴ τὸν αὐτὸν τοῦτον ὑπεύθυνον εἶναι.
En effet, il pensait qu'était justiciable des événements celui sans l'acceptation duquel ils ne se seraient jamais produits. Car c'est en vérité complètement illogique, si les élèves progressent, d'en laisser recueillr tout le mérite à celui qui en a la charge et de ne pas, dans le cas contraire, en faire porter la responsabilité à la même personne.
[3.2.15] ἐγὼ πολλάκις ἔγνων τὸν μὲν νέον ἀπομνημονεύοντα καλῶς, τὸν δὲ παιδαγωγὸν μέγα φρονεῖν ἀξιοῦντα, καὶ τὸν νέον μὲν ὡς ὀξύτατα συνιέντα, τὸν δὲ μάλιστα σεμνυ νόμενον, καὶ τὸν μὲν σωφρονοῦντα, τὸν δέ, εἰ μή τις αὐτὸν ἐπαινοίη, δεινὰ φάσκοντα πάσχειν.
Pour ma part, j'ai très souvent constaté que l'élève assimile bien et qu'alors le professeur s'en fait toute une gloire, que l'élève fait des synthèses très pertinentes et qu'alors le professeur en tire une immense fierté, que l'élève raisonne intelligemment, et qu'alors le professeur, si on ne l'en félicite pas, va clamer partout qu'on se conduit abominablement mal à son égard.
[3.2.16] καὶ μὴν οἱ γονεῖς ὅταν αἴσθωνται τὰ τοῦ παιδὸς αὑτοῖς ὡς ἄριστα προχωροῦντα καὶ λόγων εἵνεκα καὶ τρόπων, αὐτὸν μὲν οὐδὲ μικρὸν ἐπὶ τούτοις ἂν θαυμάσαιεν, εἰς δὲ τὸν ἐπόπτην καὶ τὸν ἐπὶ τοῦτο ἄγοντα ῥέπουσι, κροτοῦσιν, ἐπαινοῦσι, χρήματα προτείνουσι, καὶ παραχρῆμα διδομένων τὰ προσδοκώμενα μείζω.
Et, c'est certain, chaque fois que les parents se rendent compte que l'enfant, que ce soit dans sa mentalité ou dans ses comportements, fait spontanément des progrès considérables, d'abord ils ne s'en étonnent pas le moins du monde, ensuite ils s'inclinent bien bas devant le responsable qui en a été l'artisan, l'applaudissent, le félicitent, le couvrent d'argent puisqu'alors les enseignants se voient gratifiés sans attendre de bien plus que ce qu'ils pouvaient escompter.
[3.2.17] ἔστιν οὖν ἁπλοῦς καὶ δίκαιος λόγος· οὐδεὶς θαυμάσεται τὸν νέον τῶν ἀγαθῶν. οὐ τοίνυν οὐδὲ κολάσει τῶν ἐναντίων. ἐπὶ τὸν παιδαγωγὸν ἥξει τὸ θαῦ μα τῶν δεξιῶν, οὐκοῦν καὶ τῶν ἁμαρτημάτων ἡ ζημία. ἢ μέγιστα ἂν εἶεν πλεονεκτοῦντες κἀκείνων δῶρα λαμβάνοντες καὶ τούτων δίκην μὴ διδόντες. ἀλλ᾿ οὐκ ἄξιον. ἀλλ᾿ οἱ τῶν τιμῶν καὶ τῆς τιμωρίας, εἰ πλημμελοῖτό τι, κληρονομοῖεν ἂν εἰκότως. καὶ μὴ τῆς φιλοτιμίας ἀντιποιούμενοι ἀγανακτούντων ἐπὶ ταῖς πλη γαῖς.
Il y a donc à cela une raison simple et légitime. Personne n'ira admirer un enfant qui agit bien, pas plus qu'on ne le punira dans le cas contraire. L'admiration devant sa droiture, et en conséquence la punition en cas de faute, tout cela remontera jusqu'au pédagogue. Eh quoi ! ces gens se croiraient bien trop au dessus de tout le monde en acceptant les gratifications qu'ils peuvent en tirer et en refusant d'en assumer les sanctions. Mais cela ne serait pas normal ! Eh quoi ! En toute justice ils devraient avoir part aux récompenses, mais aussi aux sanctions en cas de négligence. Et que ceux qui ambitionnent d'occuper le devant de la scène ne viennent pas se plaindre quand ils reçoivent une correction.
[3.2.18] τοῦτο τὸ δίκαιον πανταχοῦ σωζόμενον εὑρήσομεν. ἦͺσεν ὁ χορὸς πλημμελῶς. τὸν διδάσκαλον ἐν αἰτίαις ἔχει τὸ θέατρον, καὶ τῶν μὲν χορευτῶν οὐ δεὶς καθάπτεται, τὸν δὲ οὐ καλῶς ῥυθμίσαντα τοῦτον ἐλαύνουσι. δῆλον γὰρ ὡς, εἴπερ οὗτος ὑφηγεῖτο τὴν ἀμείνω, ταύτην ἂν ἦλθεν ἐκείνων ἕκαστος.
Nous allons voir que ce légitime principe est constamment appliqué. Le chœur a mal chanté. Les spectateurs en tiennent le professeur pour responsable, et personne ne s'en prend aux choristes, mais on expulse celui qui donnait un mauvais rythme. Il est évident que si celui-ci avait mieux dirigé, chacun des chanteurs se serait conformé à ses indications.
[3.2.19] βοῦς δὲ ὅταν κυρίττῃ, πότερα τὸν βουκόλον ἢ ἐκεῖνον μεμ φόμεθα; πῶλος δὲ ὅταν ἀτακτῇ, πότερον ἐκεῖνον ἢ τὸν ἡνίοχον κακίζομεν; φροντιζέτω δὲ καὶ τῆς τῶν ναυτῶν ἀρετῆς ὁ κυβερνήτης ὡς αὐτὸς ὑφέξων λόγον ὧν ἂν ἐκεῖνοι σφαλῶσιν. ὥσπερ γὰρ ἐπὶ τὸν λοχαγὸν τὰ τῶν ἑπομένων ἐγκλήματα βαδίζει, τὰ γὰρ ἐκείνου νεύματα τῶν πρακτέων τοῖς στρατιώταις ὅρος, οὕτω καὶ τὴν αἰτίαν τῶν ἁμαρτανομένων τοῖς νέοις ἐπὶ τὴν τοῦ παιδαγωγοῦ κεφαλὴν δικαίως <ἂν> ἀναθεῖεν ἅπαντες.
Quand un bœuf est ombrageux, est-ce lui ou son bouvier que nous blâmons ? Quand un jeune cheval est désuni, est-ce à lui ou à son meneur que nous en voulons ? C'est au capitaine de veiller à ce que les marins remplissent leur devoir : c'est lui le comptable de leurs erreurs. De même que l'on rendra l'officier justiciable des conséquences de ses ordres, d'un simple signe de tête il peut en effet mettre un terme à ce que ses soldats doivent exécuter, eh bien de la même façon c'est à juste titre que tout le monde pourrait faire tomber sur la tête de l'enseignant la responsabilité de ce qui a été mal fait par les enfants.
[3.2.20] Γένοιτο δ᾿ ἂν ὅ φημι γνωριμώτερον, εἰ πρὸς τὰς μεγίστας τῶν Ἑλληνίδων πόλεων ἀποβλέψαιμεν, τὴν Ἀθηναίων λέγω καὶ Λακεδαιμονίων. Ἀθηναῖοι μὲν οὖν οὐκ ἀναιρεθέντων τῶν πεσόντων ἐν Ἀργινούσαις τοὺς μὲν στρατηγοὺς ἀπέκτειναν, τοὺς δὲ λοιποὺς οὐδ᾿ ἐμέμψαντο. καίτοι γε πάντες ὁμοίως ἦσαν ἠμεληκότες τῆς τῶν ἀπελθόντων ταφῆς, ἀλλ᾿ ἐπειδὴ τὴν ῥᾳθυμίαν ἤͺδεσαν ἀπὸ τῶν στρατηγῶν ὡρμημένην, τούτων τὸ ἔγ κλημα καὶ τὴν δίκην ἐποιήσαντο.
Ce que j'avance pourrait bien devenir définitivement irréfutable si nous examinions la situation des plus grands États grecs, j'entends par là Athènes et Lacédémone. Quand on ne récupéra pas les corps de ceux qui étaient tombés aux Arginuses, les Athéniens firent exécuter les généraux et ne sanctionnèrent pas le reste de l'armée. Pourtant, tout le monde avait la même responsabilité dans le désintérêt porté à l'ensevelissement de ceux qui étaient décédés. Mais puisque les Athéniens savaient bien que l'initiative venait des généraux, c'est eux qui furent mis en accusation et qui rendirent des comptes.
[3.2.21] Λακεδαιμόνιοι δὲ τῇ πρὸς τὸν Θεμιστοκλέα τιμῇ δῆλον κατέστησαν ὡς τῶν τὰς αἰτίας παρεχομένων τὰ λοιπὰ πάντα γί νεται. μετὰ γὰρ τὰς γενναίας ἐκείνας καὶ θαυμαστὰς πράξεις ἃς ἐπεδείκνυντο κατὰ τοῦ βαρβάρου Θεμιστο κλῆς μὲν ἧκεν εἰς Σπάρτην, οἱ δὲ αὐτὸν ἐστεφάνωσαν τῆς ἐν Σαλαμῖνι ναυμαχίας ἀφορμὴν ποιούμενοι τὴν ἐκείνου διάνοιαν.
Les Lacédémoniens eurent une attitude indiscutablement tout à la gloire de Thémistocle. En effet, après tous ces incroyables hauts faits dont ils firent montre contre les Perses, Thémistocle arriva à Sparte et les Spartiates lui attribuèrent une couronne, reconnaissant par là que son analyse de la situation avait été à l'origine de la bataille navale de Salamine.
[3.2.22] Οὐκοῦν Διογένης μὲν ὀρθῶς οἶδεν ὅτῳ προσ ήκουσιν αἱ πληγαί, δεῖ δὲ τοὺς εὖ φρονοῦντας ἐκεῖνον ἐπαινεῖν καὶ τοῖς ἔργοις μιμεῖσθαι.
Conclusion : tout d'abord Diogène sait parfaitement bien qui mérite la correction. De surcroît, quiconque raisonnant intelligemment ne peut que le féliciter et imiter ses actes.
 

Commentaires

Paragraphe 3.2.1

Il ne faut pas s'étonner de voir des astronomes au milieu des philosophes. N'oublions jamais que la science, dans l'antiquité grecque, était partie intégrante de la philosophie. Les plus anciens philosophes grecs ont tous été géomètres, arithméticiens, astronomes, astrologues, etc. Ce sont les modernes qui ont séparé, voire opposé, les sciences devenues synoymes de rationalité et philosophie devenue synonyme d'une certaine façon de subjectivité nébuleuse. Le sens est ici que Diogène négligea l'astronomie, un des aspects de la philosophie, pour se consacrer entièrement à l'étude et à la pratique de la vertu.

 

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