Franciscae meae Laudes

En ce paisible lieu ombragé, véritable havre de paix qui te permettra d'atteindre l'ataraxie, la volupté des Muses est portée au pinacle.
 
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Je vous propose une traduction de la treizième pièce de l'édition de 1866 des Épaves de Baudelaire. Elle est aussi le soixantième poème des Fleurs du Mal. Son sous-titre est « Vers composés pour une modiste érudite et dévote ».
Le latin que Baudelaire nous présente dans ce poème en octosyllabiques rimés en strophes est concis, très elliptique et guère classique dans les constructions. L'acception de nombreux mots est celle du mot français qui en découle.

Une note de Baudelaire accompagne le texte :
« Ne semble-t-il pas au lecteur, comme à moi, que la langue de la dernière décadence latine – suprême soupir d'une personne robuste, déjà transformée et préparée pour la vie spirituelle – est singulièrement propre à exprimer la passion telle que l'a comprise et sentie le monde poétique moderne ? La mysticité est l'autre pôle de cet aimant dont Catulle et sa bande, poètes brutaux et purement épidermiques, n'ont connu que le pôle sensualité. Dans cette merveilleuse langue, le solécisme, le barbarisme me paraissent rendre les négligences forcées d'une passion qui s'oublie et se moque des règles. Les mots, pris dans une acception nouvelle, révèlent la maladresse charmante du barbare du nord, agenouillé devant la beauté romaine. Le calembour lui-même, quand il traverse ces pédantesques bégayements, ne joue-t-il pas la grâce sauvage et baroque de l'enfance ? »

Vers composés pour une modiste érudite et dévote

Franciscae meae Laudes

Nouis te cantabo chordis,
O nouelletum quod ludis
In solitudine cordis.

Esto sertis implicata,
O femina delicata
Per quam soluuntur peccata !

Sicut beneficum Lethe,
Hauriam oscula de te,
Quae imbuta es magnete.

Quum uitiorum tempestas
Turbabat omnes semitas,
Apparuisti, Deitas,

Velut stella salutaris
In naufragiis amaris...
– Suspendam cor tuis aris !

Piscina plena uirtutis,
Fons aeternae iuuentutis,
Labris uocem redde mutis !

Quod erat spurcum, cremasti ;
Quod rudius, exaequasti ;
Quod debile, confirmasti.

In fame mea taberna,
In nocte mea lucerna,
Recte me semper guberna.

Adde nunc uires uiribus,
Dulce balneum suauibus
Unguentatum odoribus !

Meos circa lumbos mica,
O castitatis lorica,
Aqua tincta seraphica ;

Patera gemmis corusca,
Panis salsus, mollis esca,
Diuinum uinum, Francisca !

Baudelaire

Louanges à ma Françoise

Mes cordes neuves te loueront,
Ô ma puce qui te folâtres
Dans la réclusion de mon cœur.

Sois enveloppée de couronnes,
Ô créature délicieuse
Par qui les péchés sont remis !

Comme d'un bienfaisant Léthé,
Je boirai des baisers de toi
Qui d'aimant es désaltérée.

Lorsque la tempête des vices
Tourmentait tous les sentiers,
Tu m'es apparue, Déité,

Telle une étoile salutaire
Dans l'amertume des naufrages...
– Mon cœur sera pour tes autels !

Piscine pleine de vertu,
Source de jouvence éternelle,
Rends la voix aux lèvres muettes !

Ce qui était vil, tu brûlas ;
Le plus rude, tu l'aplanis ;
Le débile, tu l'affermis.

Dans l'avidité mon auberge,
Dans le sommeil ma luciole,
Guide-moi toujours comme il faut.

Revigore à présent mes forces,
Onctueux bain par de suaves
Fragrances aromatisé !

Ondule à l'entour de mes reins,
Ô ceinture de chasteté,
Mouillée par une eau séraphique ;

Coupe étincelante de gemmes,
Pain salé, douce nourriture,
Vin divin, ma tendre Françoise !

Traduction de Iulius

 

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