Les originalités du Grand Gaffiot

Le latin et le grec sont omniprésents dans notre langue et notre culture. Quid noui ?
 

Cela faisait soixante-sept années que la version première du dictionnaire de Félix perdurait ! Enfin réactualisée après cinq années de travail, l'édition 2001 du célèbre dictionnaire Latin-Français utilise désormais une attrayante typographie et se voit doté d'un sommaire au début des articles les plus longs ainsi que de documentations annexes.

Toutefois, quelques errata ont été malencontreusement ajoutés, comme la première personne du parfait du divido, qui est notée dividi, au lieu de divisi, ou encore la première syllabe de l'adjectif nudus, qui est signalée brève, alors que celle du verbe nudo et du diminutif nudulus est annoncée longue, donc correcte. Il s'agit en conséquence de rectifier le signe diacritique sur le premier « u » de nudus en une longue : nûdus.

En plus de ces coquilles matérielles, deux interprétations erronées subsistent : perduellio est interprété comme un nom de personne alors qu'il s'agit d'un nom d'action dans un passage de la Rhétorique à Hérennius (IV, ch. 10, §15) et l'expression lac passum des Métamorphoses d'Ovide (XIV, v. 274) est citée dans l'article sur le verbe pando alors que le participe passé passum est dans ce cas une forme du verbe patior. En effet, le lait ne caille pas en l'étalant à l'air ! Ces deux erreurs ne sont pas dues spécifiquement à Gaffiot, mais à une lignée de dictionnaires qui se recopient de siècle en siècle, en se transmettant parfois les mêmes erreurs.

En outre, certaines étymologies sont actualisées, à l'image de celle du nom lynx qui provient bien du mot grec lúgx et non de lúgz, comme l'indiquait la précédente édition du Gaffiot. Néanmoins, il subsiste encore de nombreuses étymologies douteuses, des références fantaisistes et des approximations, surtout dans certaines indications spatiales. D'ailleurs, les nouvelles cartes proposées sont incomplètes et ne couvrent pas la totalité de l'Imperium. Quid de l'Illyrie, de la Mésie, de la Dacie, de la Paphlagonie, de la Cyrénaïque ? Dans les dates aussi, nous ne sommes pas au siècle près avec le poète didactique grec Hésiode.

Enfin, au bonheur de certains et au dam d'aucuns, le Gaffiot se remplit de grivoiseries. Sourions en voyant cancer traduit par « cancre », mot actuellement inusité dans le sens du crabe. Nous sentions déjà que la traduction d'amuletum par l'anachronique préservatif n'était pas très claire. Lorsque nous savons que les Romains disposaient d'un vocabulaire d'une richesse considérable pour exprimer des notions érotiques, il est étonnant que des mots comme cunnus ou landica n'aient pas été plus tôt introduits.

Notre dictionnaire fétiche commence donc ce nouveau millénaire dans l'air du temps. En consultant les augures, j'ai néanmoins obtenu un résultat ambigu. Je ne puis parvenir à qualifier ses jours : utrum fausti an obsceni ?

Bracarius, C. Pompeius Trimalchio, Hope I die before I get old, Iulius, Pierre Salat et Rodolphe Audette.

Pour plus de renseignements, l'article de Pierre Salat intitulé Le Gaffiot n'est pas infaillible, ou : Voyage au pays des dictionnaires latins est lisible dans le bulletin 8 (1981) de l'ALMA.

 

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