L'enseignement oral du latin

Le latin et le grec sont omniprésents dans notre langue et notre culture. Quid noui ?
 

À la suite du débat qui s'est tenu le mois dernier sur l'enseignement du latin, de nouvelles discussions eurent lieu sur la méthode d'enseignement orale d'une langue ancienne, comme si elle devait être parlée.

En pratique, il est patent que certains élèves sont plus sensibles à cette forme d'enseignement orale qu'à l'écrit. Dans certains établissements, notamment en ZEP, la seule façon d'inculquer la langue latine à des élèves est la méthode orale. Il paraît même que ceux-ci l'utilisent ensuite comme un langage secret entre eux, et même devant les autres professeurs qui ne comprennent alors point ce qu'ils disent.

Anaxagore eut la surprise de s'entendre dire par une élève de grec que le dernier cours qu'il avait fait était le plus intéressant depuis le début de l'année scolaire parce que, au lieu d'utiliser comme à l'accoutumée un amoncellement de technologies, il essaya simplement de faire un cours oral, en apprenant à ses élèves à poser des questions, à se saluer et à comprendre quand il leur dit « tais-toi », « réponds » en grec ancien, ou « quelle peste tu es » à une gamine insupportable...
En outre, d'aucuns peuvent être perturbés par l'enseignement dispensé par l'informatique, en ce sens qu'ils écrivent moins les lettres, et manipulent rarement les mots, ce qui est plus délicat en grec. L'écriture manuelle est donc bien plus profitable à la pensée et à la mémoire, et la pratique constante de l'écran est une calamité, notamment parce que l'ordinateur sert de substitut à la mémoire, mais aussi parce que « l'intelligence remonte de la main à l'esprit », comme le dit Bergson.
Toutefois, il n'en faut pas moins nier que l'enseignement à distance a son intérêt, et l'écran pour les documents. Peut-être la solution résiderait-elle dans une combinaison de l'ordinateur et du stylo : il existe en effet des pointeurs qui fonctionnent à la fois sur la feuille et l'écran.

Ensuite, la meilleure méthode de rendre le latin vivant est de le faire vivre, donc de le parler et de l'écrire. C'est pourquoi il est vital de s'attacher à l'acquisition d'un riche vocabulaire. Plus nous savons de mots, plus nous connaissons des tournures de phrases et mieux nous exprimons le fond de notre pensée dans un latin coulant et agréable.
Un retour à l'ancienne prononciation du latin, qui permet d'entendre les mots français qui en dérivent ,faciliterait de même grandement l'apprentissage du vocabulaire.

Si la lettre « J » n'existait pas et si l'on écrivait « V » à la fois pour « u » et pour « v », c'étaient des conventions dépassées que l'alphabet actuel permet d'améliorer. Aujourd'hui, nous écrivons avec un clavier, et non plus avec un stylet sur une couche de cire ou en gravant la pierre où un « V » est plus facile à incruster qu'un « U ».
C'est pourquoi il faudrait dépoussiérer l'écriture et arrêter de faire « antique » avec ces « u » et ces « i » pour signifier autant la voyelle que la consonne. Cette notation est un pseudo-retour au passé, alors qu'il faut se tourner résolument vers l'avenir.
Il ne faut nonobstant pas oublier que cette différence existait déjà dans l'Antiquité puisque Virgile traite dans ses vers différemment un « u » d'un « v » et un « i » d'un « j ». Des renseignement supplémentaires à ce sujet sont d'ailleurs disponibles dans l'écho du mois précédent sur les lettres ramistes.

De ce double morsus conscientiae, il ressort qu'il faudrait distinguer discipline et enseignement. Parler latin ou grec, c'est bon pour le petit Montaigne ; mais pour des élèves, c'est de l'utopie. Les enseignants parlent-ils en effet couramment ?
Les Latins et le latin ne sont de fait pas la même chose. Si nous voulons rendre au latin l'éclat auquel il a droit, c'est en le faisant évoluer et non en nous référant sans cesse aux auteurs du passé.

Anaxagore, Caligula, Henri Tournier, Iulius et Métrodore.

 

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