Cela fait six mille ans au moins que l'écriture existe. Les premières marques rythmant un texte datent du IIIe siècle avant Jésus-Christ. Quant à la ponctuation, au sens où nous l'entendons aujourd'hui, elle semble ne remonter qu'au VIIIe siècle. Un manuscrit est parfois daté à partir de la complexité de la ponctuation qu'il contient. La ponctuation moderne – même si les signes ont pu changer de valeur et d'emploi – remonte, quant à elle, à la Renaissance.
Alors que l'homme écrit depuis six mille ans, nous devons aux deux successeurs de Zénodote d'Éphèse à la tête de la bibliothèque d'Alexandrie, Aristophane de Byzance (-257 – environ -180) et Aristarque de Samothrace (-220 – environ -143), d'avoir introduit un ensemble de codes – appels de notes, division du texte en chapitres, titres, etc. – qui sont un peu les ancêtres de notre ponctuation ou, plus justement, de la plus élémentaire mise en page.
Aristophane de Byzance employa le premier ce que nous pouvons nommer « signes de ponctuation ». Ils étaient au nombre de trois :
Mais les copistes respectaient rarement ces conventions, qui restèrent longtemps le propre des correcteurs – déjà ! –, et le signe d'un luxe.
Il n'en faut en effet pas moins noter qu'au Moyen-Âge, ainsi que pendant l'Antiquité, les lettrés lisaient surtout « avec leurs lèvres », en ce sens que c'était en écoutant ce qu'ils lisaient, qu'ils parvenaient à le comprendre. Néanmoins, à l'opposé des uoces paginarum – « les voix des pages » –, certains commençaient déjà à tacite legere ou à legere sibi, c'est-à-dire à « lire en silence » ou à « lire pour soi-même ».
Dans son Traité de la ponctuation française, Jacques Drillon nous apprend que l'espace entre les mots se généralise au VIIe siècle, s'impose au siècle suivant et devient pratiquement de règle au cours des deux cents années qui suivent. De fait, ce ne fut qu'à l'époque carolingienne que les scribes, qui comprenaient de plus en plus difficilement le latin, réalisèrent une réforme en ce domaine : ils s'efforcèrent de séparer les syllabes sinon les mots, et restituèrent une ponctuation. Les systèmes varient néanmoins d'un auteur ou d'un copiste à l'autre : ici, des points ; là, des chevrons ; là encore, des « trois-points ». Et, soudain, tout se bloque, rien ne passe plus. La ponctuation, jusqu'au XIIIe siècle, n'évolue plus : elle se contente de la multiplicité des systèmes. Le plus étrange est qu'elle ait survécu.
À partir de cette époque, la ponctuation s'en tient au point et à la virgule ; au deux-points, parfois ; chez les plus avancés, quelques signes supplémentaires sont employés. Son rôle est alors plus esthétique que grammatical : il serait même possible de parler de mise en page.
Si la majuscule était employée dans des manuscrits assez anciens – Hélène Naïs cite la Conqueste de Constantinople de Villehardouin, qui date du XIIIe siècle –, la capitale d'imprimerie fut introduite par l'imprimeur Tory en 1533, suivie de l'apostrophe, qui permet de séparer l'article du substantif. Cette ponctuation n'avait toutefois pas de valeur syntaxique, non plus que respiratoire, mais elle permettait d'insister sur ce qui, selon le scribe ou l'atelier, constituait le principal centre d'intérêt du texte. Ces quelques signes ont suffi à donner lieu au premier traité de ponctuation à l'atelier de la Sorbonne en 1470. Grâce à l'invention de l'imprimerie par Gutenberg, ces codes deviennent « typographiques ».
On trouve d'ailleurs chez Rabelais, tout un ensemble de signes qui rappelle l'arsenal dont nous nous servons aujourd'hui : la virgule, le point, le deux-points, les parenthèses, le point d'excalamation, le point d'interrogation, l'alinéa, la marque de paragraphe §, le « versus », les lunes, les soleils, les pieds de mouche, la croix, l'astérisque, le losange, la petite main et moult autres signes savants.
Iulius et Luc Bentz répondant à Rodolphe Audette.
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