La puissance tribunitienne

La connaissance d'éléments de civilisation antique permet de mieux comprendre la culture antique et par là même, la nôtre.
 

Au sujet d'une inscription gravée sur un denier romain en argent de trois grammes du deuxième siècle après Jésus-Christ, représentant l'empereur Marc Aurèle, il est possible de voir sur une des faces une divinité en pied, portant la toge et non la stola avec, à sa gauche, une corne d'abondance.

Pièce de monnaie Marc Aurèle

IMP. M. ANTONINUS. AUG.
Imperator Marcus Antoninus Augustus

PROV. DEOR. TR. P. XVII COS. III
Prouidentia deorum tribunicia potestate XVII consul III

C'est-à-dire « dans la Providence des dieux, en sa dix-septième puissance tribunitienne, consul pour la troisième fois ».

La puissance tribunitienne indique la charge de tribun, dans le tribunat. Elle est la marque que l'empereur, comme autrefois les tribuns du peuple, est un magistrat sacrosaint. Il peut convoquer le peuple en assemblée sans l'intermédiaire du Sénat, il est le défenseur du peuple, et si quelqu'un attente à la vie de l'empereur, cette personne est sacrilège.
Marc Aurèle reçut la puissance tribunitienne pour la première fois le premier décembre 147, partageant ainsi la sacrosainteté de son père adoptif, l'empereur Antonin le Pieux, à partir de cette date, ce qui le désignait aussi comme « dauphin ».

C'est la puissance des tribuns de la plèbe. Elle existe depuis 493 avant Jésus-Christ. Elle était annuelle et collégiale, distribuée entre cinq, puis dix tribuns de la plèbe, élus par les conciles de la plèbe. Seuls les sénateurs plébéiens peuvent être tribuns de la plèbe ; ainsi, le patricien Claudius se fera adopter par un plébéien pour se proposer comme candidat au tribunat de la plèbe. Il se fera alors appeler Clodius et sera un instrument politique de Jules César contre Cicéron.

Les plus célèbres tribuns de la plèbe sont les deux frères Sempronii Gracchi, les Gracques. En général, ce sont des magistrats élus pour défendre les intérêts de la plèbe contre les patriciens mafieux qui dirigeaient Rome.
La puissance tribunitienne sans auspices et sans l'imperium constitue en quelques droits comme la coercitio, l'intercessio et l'obnuntiatio ; les tribuns de la plèbe convoquent les conciles de la plèbe, proposent des plébiscites qui finissent par avoir force de loi. Ils peuvent prendre sous leur protection tout plébéien menacé par les patriciens ; ils ont obtenu le droit de convoquer le Sénat... La seule façon d'empêcher le pouvoir paralysant d'un tribun de la plèbe pour les patriciens est de se concilier un autre tribun de la plèbe.

Sous l'Empire, il y a toujours dix tribuns de la plèbe élus chaque année, mais il ne s'agit plus que d'un échelon du cursus honorum équivalant à l'édilité et donné à un jeune sénateur plébéien entre la questure et la préture.
La tribunicia potestas, elle, est confiée à l'empereur. La graphie « tribunicienne » est en quelque sorte la graphie savante issue du latin tribunicius. Quant à la graphie « tribunitienne », laquelle graphie est la seule attestée par l'Académie française, elle tire son origine du bas-latin tribunitius.

Marc Aurèle renouvelait sa puissance tribunitienne chaque année le 10 décembre ; ainsi l'on peut dater la pièce du 10 décembre 162 au 9 décembre 163 après Jésus-Christ, puisqu'il eut la puissance tribunitienne pour la dix-septième fois le 10 décembre 162. Il fut consul pour la troisième fois le 1er janvier 161. Marc Aurèle a en effet revêtu la puissance tribunitienne deux fois en l'an 147 : le 1er décembre puis le 10 décembre. Cela n'était pas courant, mais c'était déjà arrivé à Trajan qui reçut sa première puissance tribunitienne en octobre 97, au moment de son adoption par Nerva ; il la vit renouvelée le 10 décembre 97 puis tous les 10 décembre suivants.

Remarquons que dans le cas de Marc Aurèle, si nous trouvons une pièce qui date de sa première puissance tribunitienne, nous n'avons que neuf jours d'incertitude pour dater cette pièce : du premier au 9 décembre 147 !
Auguste et Tibère, recevait la puissance tribunitienne le 26 juin. Quant à Caligula, il prenait la tribunicia potestas le 18 mars de chaque année ! Cela correspond au jour de son arrivée à Rome avec les cendres de Tibère, décédé le 16 mars, fameux jour où le Sénat emporté par une joie indicible le combla en ce seul jour de tous les titres impériaux, jour que le Sénat toujours très flatteur voulut que l'on appelât Parilia, qui était le jour anniversaire de la naissance de Rome et qui tombait normalement le 21 avril. C'est ainsi que cette date du 18 mars fut substituée à celle du 21 avril comme Parilia.

Caligula et Iulius.

 

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