Le Corbeau et le Renard

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La plus célèbre des fables de La Fontaine voit la version latine qui l'inspira traduite par notre versificateur Henri Tournier.

Le Corbeau et le Renard

Coruus et Vulpes

Quae se laudari gaudet uerbis subdolis,
Fere dat poenas turpi paenitentia.
Cum de fenestra coruus raptum caseum
Comesse uellet, celsa residens arbore,
Vulpes hunc uidit, deinde sic coepit loqui :
« O qui tuarum, corue, pennarum est nitor !
Quantum decoris corpore et uultu geris !
Si uocem haberes, nulla prior ales foret. »
At ille stultus, dum uult uocem ostendere,
Emisit ore caseum ; quem celeriter
Dolosa uulpes auidis rapuit dentibus.
Tum demum ingemuit corui deceptus stupor.

Hac re probatur quantum ingenium ualet ;
Virtute semper praeualet sapientia.

Phèdre, I, 13

Le Corbeau et le Renard

Quiconque prend plaisir aux flatteries trompeuses
Se voit bientôt puni d'un honteux repentir.
D'un fromage volé au bord d'une fenêtre
Le corbeau sur son arbre allait faire un repas ;
Le renard l'aperçut et lui fit ce discours :
« De quel éclat, corbeau, resplendit ton plumage !
Quel minois gracieux et quelle belle allure !
La voix en plus, et tu serais roi des oiseaux. »
Le stupide animal, voulant montrer sa voix,
Fit de son bec tomber le fromage ; aussitôt
Goupil rusé le prit entre ses dents avides.
Lors du corbeau soupire, abusée, la sottise.

Cela montre combien l'esprit a de puissance :
Le courage toujours le cède à la sagesse.

Traduction de Henri Tournier

 

Le vers tum demum ingemuit corui deceptus stupor constitue un magnifique exemple de double hypallage parfaitement bien rendu par Henri. Dans une version précédente, il avait transposé la figure de style en utilisant l'infinitif de narration :

« Le corbeau de gémir, trompé par sa sottise. »

Les deux vers de la fin sont probablement interpolés puisqu'ils n'ont guère de rapport avec le sens de la fable.

Il faut d'ailleurs se méfier des différentes versions latines qu'il est possible de trouver de cette fable de Phèdre, puisque de nombreuses variantes furent rajoutées à la lueur de la fable de Jean de La Fontaine. Par exemple lato ore emisit caseum, où nous avons le « large bec », ne se retrouve dans aucun manuscrit, ni même dans les apparats critiques. C'est la version qui semble la moins recherchée emisit ore caseum qui se retrouve dans les manuscrits.

Ce fut d'ailleurs une grande mode, au début du siècle passé de « réviser » les textes et de les « améliorer ». Alice Brenot, dans l'édition Budé du Phèdre s'en était même fait une spécialité. Il faut en règle générale se méfier de ces « arrangements » : c'est oublier que la simplicité vaut bien souvent plus que la « richesse ».

 

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