Les chiens en mission chez Jupiter

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Henri Tournier nous traduit en vers une scatologique fable de Phèdre.

Les chiens en mission chez Jupiter

Canes legatos ad Iouem

Canes legatos olim misere ad Iouem
Melioris uitae tempus oratum suae,
Vt sese eriperet hominum contumeliis,
Furfuribus sibi consparsum quod panem darent
Fimoque turpi maximam explerent famem.

Profecti sunt legati non celeri pede.
Dum naribus scrutantur escam in stercore,
Citati non respondent. Vix tandem inuenit
Eos Mercurius et turbatos attrahit.
Tum uero uultum magni ut uiderunt Iouis,
Totam timentes concacarunt regiam ;
Propulsi uero fustibus uadunt foras.
Vetat dimitti magnus illos Iuppiter.

Mirati sibi legatos non reuertier,
Turpe aestimantes aliquid commissum a suis,
Post aliquod tempus alios ascribi iubent.
– Rumor legatos superiores prodidit.
Timentes rursus aliquid ne simile accidat,
Odore canibus anum, sed multo, replent.
Mandata dantur et dimittuntur statim.
Adeunt. Rogantes aditum continuo impetrant.

Consedit genitor tum deorum maximus
Quassatque fulmen : tremere coepere omnia.
Canes, confusus subito quod fuerat fragor,
Repente odorem mixtum cum merdis cacant.
Reclamant omnes uindicandam iniuriam.

Sic est locutus ante poenam Iuppiter :
« Legatos non est regis non dimittere,
Nec est difficile poenas culpae imponere ;
Sed hoc feretis pro iudicio praemium :
Non ueto dimitti, uerum cruciari fame,
Ne uentrem continere non possint suum.
Illi autem qui miserunt uos tam futtiles
Numquam carebunt hominis contumelia. »

Ita nunc legatos exspectant et posteri
Nouum et uenire qui uidet culum olfacit.

Phèdre, IV, 19

Les chiens en mission chez Jupiter

À Zeus les chiens jadis firent une ambassade.
Ils attendaient de lui de vivre plus heureux
Et moins de vexations de la part des humains :
On leur donnait un mauvais pain mêlé de son,
La faim les réduisait à faire les poubelles.

Les ambassadeurs vont, sans beaucoup se presser
Et cherchent du museau pitance dans la merde.
On les appelle, aucun ne vient ; enfin Mercure
À grand'peine les trouve. Ils arrivent troublés,
Et même, apercevant de Jupin le visage,
Ils conchient, de terreur, son auguste demeure.
On donna du bâton pour les mettre dehors.
Mais le grand Jupiter interdit leur renvoi.

Étonnés de ne point revoir leurs émissaires,
Les chiens, qui ont flairé quelque affaire foireuse,
Au bout d'un certain temps font une autre ambassade
– Les premiers sont déjà trahis par la rumeur.
Craignant de l'aventure un renouvellement,
Ils leur bourrent le cul avec force aromates.
Consignes sont données ; l'ambassade s'en va.
Elle obtient aussitôt l'entrevue demandée.

Le puissant roi des dieux prend place sur son trône,
Et fait claquer son foudre ; aussitôt tout s'ébranle.
Les chiens, tout affolés par ce soudain fracas
De chier aussitôt aromates et crottes.
Scandale chez les dieux ! On veut réparation.

Mais avant de punir, Jupiter décréta :
« Un bon roi ne retient jamais une ambassade.
D'ailleurs, il m'est aisé de punir votre faute ;
Voici le seul verdict dont je vous gratifie :
Je ne vous retiens pas. Les affres de la faim
Vous apprendront enfin à tenir votre ventre.
Et ceux qui m'ont deux fois dépêché des breneux
À jamais subiront des hommes les outrages. »

Depuis ce temps, guettant les derniers émissaires,
Chaque chien d'un nouveau venu flaire le cul.

Traduction de Henri Tournier

 

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