Une fois n'est pas coutume, deux traductions sont proposées pour cette fable de Phèdre : la première en décasyllabes par Iulius et la seconde en alexandrins par Henri Tournier.
De uitiis hominum
Peras imposuit Juppiter nobis duas ;
Propriis repletam uitiis post tergum dedit,
Alienis ante pectus suspendit grauem.
Hac re uidere nostra mala non possumus ;
Alii simul delinquunt censores sumus.
Phèdre, IV, 10
Des vices de l'homme
Jupiter nous nantit de deux besaces :
Dans notre dos, il mit nos propres vices,
Le sac devant, ceux des autres l'emplissent.
Ainsi, voir nos défauts nous ne pouvons,
Mais les fautes d'autrui, nous les jugeons.
Traduction de Iulius
De uitiis hominum
Peras imposuit Juppiter nobis duas ;
Propriis repletam uitiis post tergum dedit,
Alienis ante pectus suspendit grauem.
Hac re uidere nostra mala non possumus ;
Alii simul delinquunt censores sumus.
Phèdre, IV, 10
Des vices de l'homme
Jupiter à nous tous a donné deux besaces :
L'une, dans notre dos, est remplie de nos vices
Et l'autre, devant nous chargée de ceux d'autrui.
Ainsi nous ne pouvons voir nos propres défauts,
Mais nous sommes censeurs quand d'autres ont fauté.
Traduction de Henri Tournier
La fable peut sembler assez courte pour parler « des vices des hommes »... Il y aurait bien des choses à dire, pourtant, sur ce sujet. – Certains, que nous ne nommerons pas, font néanmoins remarquer qu'il y en a tout de même moins que sur de uitiis mulierum. –
Relativement à la traduction de de vitiis hominum, cela serait « au sujet des défauts humains », puisque homo signifie autant l'homme uir que la femme mulier.
Le français est plus ambigu. La preuve : nous parlons des « Droits de la femme » ; elles ne se sentent donc pas représentées par la déclaration des « Droits de l'Homme », même avec la majuscule !
Il serait amusant de se demander pourquoi l'homme uir a pris pour se désigner le générique homo. – L'homme est macho, nous le savons bien ;o) –
Homo est la réalisation d'une même racine « hom / hum », liée à l'idée de Terre et de créature terrestre. De là sont par exemple tirés les termes « hominisation » ou « humanité ». Lorsqu'il est humble, l'homme est étymologiquement à ras de terre.
Méfions-nous au passage du verbe « humer » qui n'a rien à voir avec les deux verbes « exhumer » et « inhumer » apparentés à la racine de l'homme : « humer » repose sur une onomatopée.
Quant à « posthume », c'est à tort qu'il est rapproché de « exhumer » : le latin postumus est le superlatif correspondant au comparatif posterior, et signifie « dernier », avec en particulier le « dernier enfant ». Il se spécialisa alors dans la désignation de l'enfant né après la mort du père. C'est alors que fut imaginé qu'il signifiait « né après l'enterrement » et qu'il fut affublé de la lettre « h ».
Cela s'oppose ainsi à la racine « *dy-eu / *dy-u », liée à l'idée de ciel et de créature céleste. D'ailleurs, Jupiter est bien « Ju + pater » et « ju » est une forme liée à cette racine « deiv / diev » – de, di, div, jov, ju –, d'où le père du ciel.
Homo serait donc plus naturel pour parler du genre humain et uir serait plus spécifique au mâle. Toutefois, qu'en est-il de uirga, la jeune fille, de uirginal ? Comment désigner l'homme mâle si des termes qui sont en relation avec la femme sont aussi fondés sur uir ? D'ailleurs, une virago est initialement bien une femme qui possède la force d'un homme.
Il n'en faut pas moins noter que le grec aussi possède deux mots pour parler de l'homme : anêr, andrós et anthrôpos, anthrôpou où anêr désigne plus spécifiquement le mâle uir, alors qu'anthrôpos désigne l'homme en tant qu'appartenant à l'espèce humaine : l'homo. D'aucuns l'emploient même au féminin pour désigner une femme. Et au pluriel, anêr a parfois le sens d'anthrôpos.
Il n'en faut pas moins oublier que chez les indo-européens, il y avait le maître, individu de sexe masculin, et le reste : les objets du maître, dont la femme. Ce qui explique, selon Benvéniste, que le féminin en « a » (< eH2) soit issu d'une marque d'inanimé. Ce n'est que plus tard que s'est créée une distinction entre féminin et neutre.
La question du genre est d'ailleurs extrêmement complexe et n'a sans doute pas été totalement débrouillée par Benvéniste.
Caligula, Guillaume Flamerie, Henri Tournier, Iulius, Métrodore et Siva Nataraja.
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