Levée de boucliers

La connaissance d'éléments de civilisation antique permet de mieux comprendre la culture antique et par là même, la nôtre.
 

Les usuels nous disent que, dans l'armée romaine, les boucliers levés par une troupe manifestent sa résistance aux volontés de leur général.

Cette image du bouclier levé est très ancienne du moment que l'expression faire un bouclier de son corps est utilisée depuis très longtemps pour indiquer la protection de quelqu'un à ses risques et périls. Toutefois, le sens de la levée de boucliers renvoie à une contestation véhémente – et habituellement unanime si l'on considère le préfixe cum – qui se retrouve dans l'expression mettre la crosse en l'air.
Mythologiquement, le bouclier de Jupiter était son arme défensive favorite, tout comme celui d'Athéna-Pallas. Une fois la tête de Méduse tranchée, Persée l'offrit à Athéna qui la fixa au cœur de son bouclier, lui conférant ainsi un pouvoir redoutable. Cette égide à masque de Gorgone est un trophée dont l'image de la tête est aussi dans l'épisème du bouclier d'Achille. La protection qui s'ensuit est restée dans l'expression sous l'égide de quelqu'un.

Néanmoins, les Romains ne semblent pas avoir eu un tel comportement. Il est possible de réaliser une multitude d'actions avec son bouclier : scutum abicere ou relinquere pour s'enfuir – la honte suprême ! –, scuta gladiis ferire ou scuta hastis ferire en signe de colère ou de douleur, scuta illidere genibus en signe de joie, scuto (ducem) imponere comme Abraracourcix...

Dans le Germania de Tacite, les Germains donnent plus de force à leur cri de guerre obiectis ad os scutis, c'est-à-dire en levant leur bouclier devant leur bouche.
Au IVe siècle après J.-C., Julien est fait empereur à Paris et ses troupes s'y comportent avec des mœurs proches de celle d'un Clovis deux siècles après. Lui, avant Clovis, impositus scuto pedestri est placé sur un bouclier d'infanterie, et sublatius eminens soulevé plus haut. Les troupes acclament Julien hastis feriendo clipeos en frappant leurs boucliers avec leurs piques.
Or nous savons, toujours d'après Tacite, que le bouclier et la framée équivalaient à la toge romaine dans le passage du jeune à l'état d'homme et que rien n'était plus honteux au guerrier que de perdre son bouclier.
Il y avait bien toute une symbolique militaire associée au bouclier, bouclier frappé de la framée pour montrer son accord, bouclier levé devant la bouche pour pousser le cri de guerre, voire un cri de désapprobation et que ces mœurs germaniques devinrent romaines dès lors que la quasi-totalité des troupes romaines n'étaient plus que des fédérés Goths, Francs...

Concluons avec le mot de Caligula :
Quid de la réelle signification de l'expression ? Voilà ce que cela donne de s'exprimer par proverbes, on en perd notre français :o)

Explications de C. Pompeius Trimalchio, Caligula et Iulius, à la suite d'une question de Jean Poulain.

 

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